Le 15 janvier 2021
Chers frères et sœurs, Chers paroissiens, Bien chers amis,
Je profite d'Internet et du dévouement de ceux qui font suivre ce courrier en le photocopiant, pour venir assurer tous ceux qui vont l'avoir entre les mains de ma cordiale amitié et de ma prière fraternelle. Passer un moment avec vous, bien qu’il soit court, est important. En me demandant à chaque fois de quoi nous allons bien pouvoir parler, je viens papoter un instant pour que la solitude ne devienne pas trop lourde. Le temps de Noël est fini, je suis chagriné d'avoir rangé ma crèche. Mes santons me manquent. Ils m’aidaient en me donnant des idées, mais ils sont partis en boîte jusqu'à l'an prochain, pour un stage de méditation prolongée. Ne craignez rien pour eux, ils sont confinés dans un petit carton. J'étais donc à me demander quel serait être le sujet de notre bavardage, quand un coup de téléphone de Louis-Marie Lacroix, délégué diocésain pour l’unité des chrétiens, me donna la solution. Il me demandait de participer, avec un frère pasteur, à l'animation de la prière du matin sur R.C.F à l’occasion justement de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens qui a lieu du 18 au 25 janvier. Vous vous doutez bien qu’avec la covid, les conditions ne sont plus celles des années précédentes. Comme le couvre-feu nous invite à être chez nous dès 18 h, il est difficile d’organiser des rencontres. Je suis content de participer, bien modestement à cette semaine de prière qui nous propose d’entendre la prière de Jésus : « Que tous soient un » de la faire nôtre et de travailler à sa réalisation.
L'Unité est un thème éminemment johannique. Le mot n’est présent que dans son évangile où il est remarquablement mis en valeur. Cette ultime demande arrive comme le sommet de la grande prière sacerdotale du chapitre 17 sur laquelle s’achèvent les discours après la cène. Jésus, sachant que l’heure est arrivée, ouvre son cœur à ses disciples. C’est sa dernière soirée, repas des dernières confidences. Il leur donne de contempler l’intimité de sa relation avec le Père et le contenu de sa prière. À quelques heures de sa passion, déjà donné et offert, c’est de nous qu’il parle au Père lui demandant que nous soyons pour toujours avec lui, un avec eux et en eux. Venu pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés, Il implore que nous vivions de l’unité Divine : « Père, que tous soient un comme nous sommes un » et qu’ainsi le monde soit sauvé. Sa vie, sa mort et sa résurrection nous révèle le mystère intime de Dieu, Trinité d’Amour. Cette Unité merveilleuse est en même temps la source de notre origine et le terme de notre destinée. Aux origines, la Genèse proclame : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Mais qui aurait pu deviner que Dieu, lui seul pouvant combler le cœur de l’homme, irait jusqu’à nous offrir de participer à sa propre vie. Au chemin de l’histoire où Jésus nous rencontre, l’unité des disciples est déjà le signe anticipé de la Vie Eternelle. Elle en est aussi le témoignage donné à tous : « pour que le monde croie. »
Ma vie de chrétien et de prêtre aura été illuminée par les deux grandes constitutions du concile Vatican II : « Lumen gentium » et « Gaudium et spes. » Au tout début de Lumen Gentium nous lisons : Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l'Esprit-Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de l'Evangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l'Eglise (cf. Mc 16,15). L'Eglise étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain, elle se propose de préciser davantage, pour ses fidèles et pour le monde entier, en se rattachant à l'enseignement des précédents Conciles, sa propre nature et sa mission universelle. A ce devoir qui est celui de l'Eglise, les conditions présentes ajoutent une nouvelle urgence : il faut en effet que tous les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels, réalisent également leur pleine unité dans le Christ.
« Gaudium et spes » commence par ces mots : Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s'édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l'Esprit Saint dans leur marche vers le royaume du Père, et porteurs d'un message de salut qu'il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.
(En ces temps de couvre-feu, pourquoi ne pas prendre celui de les relire ?)
Il faut travailler à faire tomber les murs qui divisent et vouloir ouvrir des portes pour des espaces de rencontre. Je ne sais pas si dans la paroisse nos frères protestants sont nombreux. Je n’en ai rencontré que quelques uns. Je ne sais pas non plus si vous avez vécu des veillées communes. Moi, je garde le souvenir de celles que j’ai eu la joie de vivre. Elles m’ont marqué et fait grandir. C’est ainsi qu’à Vichy d’abord, au sein du groupe œcuménique et du groupe Kaplan de l'amitié judéo-chrétienne se retrouvent juifs et chrétiens (catholiques, protestants et orthodoxes), puis à Montluçon, dans le C.C.M (comité des croyants de Montluçon) où l’histoire et le contexte faisaient se rencontrer chrétiens (catholiques et de protestants) et musulmans, se sont créées de véritables amitiés dont je rends grâce à Dieu. Certes l’œcuménisme n’est pas l’interreligieux, mais l’appel à l’unité n’a pas de frontière. « Laudato si » et « Fratelli Tutti » nous le rappellent : « notre terre est un village dont nous sommes tous responsables, » et chacun doit devenir frère universel.
Chers amis, je tire la sonnette d’alarme. Notre société actuelle qui privilégie l’individualisme et le chacun pour soi, laisse tant de frères et sœurs mal dans leur peau et laissés pour compte, tant de familles éclatées, tant de déprime. Le confinement et le couvre-feu sont difficiles à vivre car ils mettent justement le doigt sur notre désir de vivre ensemble dans la paix et la joie qu’ils révèlent et perturbent. Les solidarités traditionnelles se sont amenuisées et les expériences de solitude sont plus nombreuses que les moments de vraies communion. Devenons donc des semeurs et des bâtisseurs d’unité.
Tiraillés que nous sommes par des désirs contradictoires, laissons le Seigneur faire notre unité intérieure et être la source de notre sérénité. Venons lui demander qu’il nous donne sa paix. Travaillons dans nos familles et dans nos différents lieux de vie à fortifier l’unité par l’accueil fraternel de tous et de chacun. Qu’il conduise nos communautés, son église dans l’Unité.
Chaque matin je pars ouvrir l’église à 7 h 30 et je m’installe pour prier ; Je parle au Seigneur de chacun de vous qui recevez ces mots, de tous les habitants de cette paroisse et de celles où je suis passé. L’office du bréviaire ouvre mon cœur aux dimensions du monde. Bien que seul dans cette église st Joseph, il m’est arrivé, merveille des téléphones portables, de le dire en union avec un ami pasteur protestant. La messe quotidienne permet d’entrer au plus intime de la prière et du sacrifice de Jésus pour faire toute chose avec Lui et en mémoire de Lui. Nous sommes unis, même si nous ne sommes pas côte à côte.
Chers frères et sœurs, chers paroissiens, bien chers amis, prions, voulez-vous, davantage encore cette semaine, les uns pour les autres, les uns avec les autres. Que notre prière ouvre les cœurs et les mains de tous les disciples du Christ pour que soit manifestés la gloire de Dieu et le salut du monde.
Dans l’Espérance de l’Unité définitivement acquise et d’une Eglise rayonnante je vous dis à bientôt.
Votre frère, votre curé, votre ami
Jean Paul Chantelot